dimanche 6 juin 2010

LETTRE OUVERTE AU New York Times

... écrite par un missionnaire salésien, évidemment non publiée!

Cher frère et sœur journaliste,

Je suis un simple prêtre catholique. Je me sens heureux et fier de ma vocation. Il y a vingt ans que je vis en Angola en tant que missionnaire.

Je souffre beaucoup du fait que des personnes, qui devraient être des signes de l'amour de Dieu, soient devenues un poignard dans la vie des innocents. Il n'y a pas de mots pour justifier de tels actes. Il ne fait aucun doute que l'Eglise ne peut qu'être aux côtés des plus faibles et sans défense. C'est pourquoi les mesures prises pour la protection et la prévention de la dignité des enfants seront toujours une priorité absolue.

Je vois dans de nombreux médias, en particulier dans votre journal, l'amplification de ce thème sous une forme morbide, enquêtant dans les détails de la vie de quelques prêtres pédophiles. C'est ainsi qu'apparaît l'un d'eux, dans une ville américaine des années soixante, un autre des années quatre-vingt en Australie et ainsi de suite, et d'autres affaires récentes ... certes toutes répréhensibles! On voit des présentations journalistiques pondérées et équilibrée, d'autres exagérées, pleines de préjugés, allant jusqu'à la haine.

C'est curieux, ce peu d'informations, et ce désintérêt,
pour les milliers et les milliers de prêtres qui s'usent quotidiennement pour des millions d'enfants, pour les adolescents les plus défavorisés aux quatre coins du monde! Je pense qu'à votre "moyen d'information", peu importe le fait que j'ai dû porter, sur des routes minées, en 2002, de nombreux enfants sous-alimentés de Cangumbe à Lwena (Angola), puisque le gouvernement n'y était pas disposé, ni les ONG autorisées; que j'ai dû enterrer des dizaines de petits, morts parmi les réfugiés de guerre et ceux qui retournaient chez eux; que nous ayons sauvé la vie de milliers de personnes à Moxico, grâce à l'unique poste médical sur un territoire de 90.000 kilomètres carrés, ainsi qu'à la distribution de nourriture et de semences; que, durant ces dix années, nous ayons fourni une possibilité d'éducation et d'écoles à plus de 110.000 enfants ...

Cela ne suscite pas d'intérêt qu'avec d'autres prêtres nous ayons dû secourir la crise humanitaire d'environ 15.000 personnes dans les cantonnements de la guérilla, après qu'ils se soient rendus, parce que la nourriture du gouvernement et de l'ONU n'arrivait pas. Cela ne fait pas les titres qu'un prêtre de 75 ans, Padre Roberto, parcoure de nuit les rues de Luanda, s'occupant des "enfants des rues", les conduisant dans une maison d'accueil, afin qu'ils se désontoxiquent de l'essence; que des prêtres alphabétisent des centaines de prisonniers, tandis que d'autres, comme le Père Etienne, tiennent des foyers de transit pour des enfants battus, maltraités et violés ou qui cherchent un refuge. Et pas même que Fra' Maiato, avec ses 80 ans, passe de maison en maison pour réconforter les malades et les désespérés. Pas d'information sur le fait que plus de 60.000 des 400.000 prêtres et religieux aient quitté leur terre et leur famille pour servir leurs frères des léproseries, des hôpitaux, des camps de réfugiés, des orphelinats pour les enfants accusés de sorcellerie ou des orphelins dont les parents sont morts du SIDA, dans des écoles pour les plus pauvres, dans des centres de formation professionnelle, dans des centres de soin aux séropositifs ... et surtout dans les paroisses et les missions, donnant aux gens des raisons de vivre et d'aimer.

Cela ne fait pas les manchettes que mon ami, le Père Marcos Aurelio, pour sauver des jeunes au cours de la guerre en Angola, les ait transportés de Kaluli à Dondo et, revenant à sa mission, ait été mitraillé sur la route; que le Frère Francisco, avec cinq dames catéchistes, pour aller aider dans les zones rurales les plus éloignées, soit décédé dans un accident de voiture; que des dizaines de missionnaires en Angola soient morts faute de soins médicaux, pour une simple malaria, tandis que d'autres ont sauté sur une mine, alors qu'ils allaient rendre visite aux leurs. Dans le cimetière Kaluli, il y a les tombes des prêtres qui sont arrivés dans la région ... Aucun n'a dépassé les 40 ans.

Cela ne vaut pas les gros titres, d'accompagner la vie d'un prêtre "normal" jour après jour, ses difficultés et ses joies, alors que, sans faire de bruit, il consume sa vie pour la communauté qu'il sert.

La vérité est que nous n'essayons pas de faire les titres, mais d'apporter la Bonne Nouvelles, cette nouvelle qui, sans bruit, a commencé la nuit de la Pâque. Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu'une forêt qui pousse. Je ne prétends pas faire l'apologie de l'Eglise et des prêtres.
Le prêtre n'est ni un héros ni un névrosé. C'est simplement un homme qui, avec son humanité tente de suivre Jésus et de servir ses frères. Il y a la misère, la pauvreté et la fragilité, comme dans tous les êtres humains; mais aussi la beauté et la bonté, comme dans toute créature ...

Insister de manière obsessionnelle et vexatoire sur un sujet, perdant la vue d'ensemble, crée en réalité des caricatures offensantes du sacerdoce catholique, dans lesquelles je me sens offensé.
Je ne vous demande, ami journaliste, que de chercher la Vérité, le Bien et la Beauté. Cela vous rendra noble dans Votre profession.

In Cristo

Padre Martín Lasarte, SDB (Società di Don Bosco)

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